« Quiconque s’est déjà risqué à la photographie le sait : il n’y a pas de prise parfaite. L’autographe frontal appartient lui aussi à une série. Les négatifs m’en sont témoin : sur certains on voit ton visage. Je les ai précieusement conservés, comme une forme personnelle d’assurance-vie. Je les aime comme on aime les photographies : car j’aime ce moment qu’ils documentent. Ce jour où j’ai signé ton front à l’encre noire. Cependant le maléfice de cet instant est qu’il se passe de mots. Je n’arrive plus à écrire, sinon des légendes à ces images dont tu regrettes l’existence. Un roman noir, un roman-photo noir. »
(pages 103-104)
Gray est l’amant d’Anna, qui vient de divorcer de John Volstead, – écrivain devenu célèbre grâce à son roman, Les Narcissiques anonymes, l’unique livre qu’il ait écrit. La photo, en noir et blanc, qui a fait la couverture de Time Magazine, représentant John en train de signer le front d’une admiratrice blonde, fascine Gray. L’étrange trio ainsi formé par l’ex-mari, la blonde photographe et Gray, va cohabiter dans la maison du couple (le bunker) jusqu’au suicide de l’écrivain qui coïncide avec la disparition de la célèbre photographie. Une ligne du testament de John met Gray (poke Simenon) sur la piste de la collection Castiglioni, de Paris à Venise, une collection mystérieuse qui réunirait des œuvres perdues, dont, peut-être, le cliché disparu…
Ce résumé de l’intrigue est une convention, lieu commun de toute chronique, comme l’intrigue et les personnages de La Blonde et le bunker sont eux-mêmes composés de clichés (dans les deux sens du terme) : clichés du film noir (et du vaudeville) que Jakuta Alikavazovic révèle dans le corps même du texte :
« Post-scriptum : une intrigue (deux possibilités) :
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Une femme (par convention, blonde) convainc son amant (malléable ? manipulable ?) de se débarrasser du mari importun.
(Déjà vu).
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[le jeune premier, la blonde, son mari paralytique]
Une réflexion sur “La Blonde et le bunker de Jakuta Alikavazovic”