Interview de Sébastien Bouchery

Dusk est ton quatorzième roman. Tu as écrit des thrillers, des romans noirs et un western. Existe-t-il un lien qui unit toutes tes œuvres ?

Il n’y a vraiment pas de lien qui relie mes histoires, sauf peut-être quelques personnages secondaires que l’on arrive à croiser d’un roman à l’autre. Parfois, je peux utiliser un second couteau qui peut s’avérer être un vrai fumier dans une histoire, alors qu’il ne peut être que de passage dans une autre. L’autre lien qui pourrait ressortir de mes livres est sans doute l’écriture visuelle (c’est souvent ce qui ressort des retours de lecture), due, je pense, à ma passion pour le cinéma.

Comment définirais-tu ton univers romanesque ?

Question difficile. Disons qu’hormis le fait qu’il s’agit toujours de romans noirs ou de thrillers, j’aime raconter des histoires qui affectent l’individu lambda. Mes héros ne sont jamais des super héros, des flics ou encore d’anciens militaires surentraînés. Mes personnages sont des gens tout à fait ordinaires confrontés à des situations extraordinaires qu’ils sont obligés d’affronter avec les moyens en leur possession, c’est-à-dire pas grand-chose. Pour Dusk, il s’agit d’un thriller se déroulant dans l’univers du western. Pour cette histoire, j’ai voulu utiliser des personnages vieillissants, usés par les années et la guerre. Mes héros sont souvent fragilisés dès le départ.

 

Le genre romanesque du western est très peu représenté en France où seuls deux éditeurs, Gallmeister et Actes Sud (collection L’Ouest, le vrai, dirigée par Bertrand Tavernier), en publient. Quel est ton auteur de prédilection dans ce genre ?

Effectivement, le western est un genre qui s’est raréfié des écrans depuis plusieurs décennies, et encore plus en littérature. Donc je n’ai malheureusement lu que très peu de westerns. Mais si je devais retenir un auteur, ce serait Craig Johnson, même si ses histoires sont des westerns contemporains.

Qu’est-ce qui t’a conduit à écrire un western ? Quel a été le point de départ de Dusk ?

La passion. Depuis l’enfance, j’ai toujours adoré les westerns. Et depuis que j’écris, j’ai toujours voulu tenter l’aventure. Mais le western étant un genre malheureusement obsolète, je me suis dit que personne ne le lirait. J’ai donc continué à écrire des thrillers. Puis un jour, la passion a été plus forte que la raison. Je me suis dit : pourquoi ne pas écrire un thriller qui se déroulerait après la guerre de Sécession aux États-Unis ? Mais pour cela, il fallait que je fasse un western différent. J’ai choisi de créer des personnages usés par la vie, jetés en pâture à un événement qu’ils ne sont plus en mesure d’assumer. L’écriture de Dusk m’a demandé beaucoup de documentation mais j’avoue avoir pris un plaisir infini à le rédiger.

 

Impossible de ne pas penser aux westerns qui ont bercé notre enfance en lisant ton roman. Tu es plutôt Sergio Leone, John Ford, Sam Peckinpah, Howard Hawkes, ou John Sturges ?

Sans hésitation, je te réponds Sergio Leone. Mais pas seulement. J’aime certains westerns d’E.B. Clucher, Tonino Valerii, Ferdinando Baldi. Bien que bon nombre de westerns américains m’aient marqués : Open Range, L’homme qui tua Liberty Valance. Pour moi, les deux plus grands réalisateurs actuels du genre encore vivants sont incontestablement Clint Eastwood et Kevin Costner.

 

Quel est ton top 5 des westerns ?

Mon nom est personne, Le Bon, la Brute et le Truand, Il était une fois dans l’ouest, Impitoyable et Open range.

Les paysages enneigés du Nebraska rappellent ceux du Colorado filmés par Quentin Tarantino dans Les 8 Salopards. Comme dans le dernier opus de Tarantino (qui renvoie autant à The Thing de Carpenter qu’aux Dix Petits Nègres d’Agatha Christie), tu mêles les codes du western et du thriller (pour le plus grand plaisir du lecteur). Les 8 Salopards a-t-il eu une influence sur l’écriture de Dusk ?

Non, car lorsque j’ai fini l’écriture de Dusk, Les 8 salopards n’était pas encore sorti. Et Tarantino est sans conteste l’un de mes réalisateurs préférés. Je suis très admiratif de son travail. C’est un génie.

Si Dusk devait être porté à l’écran, quel serait ton choix de réalisateur ?

Si un jour la possibilité m’était offerte de choisir un réalisateur pour mettre en scène Dusk, je choisirais Kevin Costner. Costner a l’art de filmer les paysages avec une justesse et une beauté incroyables. Il fait de même pour ses personnages. Ses films sortent des sentiers battus et il apporte à ses personnages une humanité particulière, mêlée à une sauvagerie terrifiante. C’est un passionné lui-aussi et pour moi, ses deux réalisations de westerns sont des chefs-d’œuvre.

 

Je suis peut-être passé à côté de quelque chose en lisant ton roman, mais peux-tu m’expliquer le choix du titre ?

Dusk veut dire « crépuscule » en français. Le crépuscule d’une époque, le crépuscule de personnages qui ont fait leur temps, le crépuscule de l’héroïsme « propre ».

 

Dusk fourmille de détails et d’anecdotes qui montre que tu as effectué des recherches approfondies. Comment as-tu dirigé tes recherches ? Savais-tu dans quelle direction aller avant de te lancer ?

L’histoire se situe un an après la fin de la guerre de Sécession. Il fallait donc que je connaisse certains détails de l’histoire. J’ai fait beaucoup de recherches. J’ai d’ailleurs utilisé des noms de personnages qui ont réellement existé pour les faits historiques. Quant aux anecdotes, je me suis dit qu’il serait amusant d’en placer çà et là afin de renforcer le récit par des allusions à notre époque. Je pense notamment à la scène du Jack Daniel’s dans le pub irlandais.

Je connaissais la chronologie de mon histoire, et surtout où je voulais aller. Il me restait à tisser la toile entre le début et la fin, en l’agrémentant de lieux, de personnages historiques et de faits d’armes qui se sont réellement produits.

 

Tu fais allusion dans le roman à une ballade irlandaise intitulée « The Rising of the Moon ». La musique a-t-elle une place importante dans ton univers ? Écris-tu en écoutant de la musique ?

Oui, la musique a une grande place dans ma vie. Par des goûts totalement différents. D’Ennio Morricone à Bon jovi, en passant par Stefan Eicher et Rhapsody. Par contre, je suis incapable d’écrire en musique. Lorsque je m’installe devant mon ordinateur, il me faut le silence absolu. Juste mon clavier et une lampe de chevet. L’écriture me demande non seulement de la concentration, mais aussi une implication réelle. Surtout dans les dialogues. J’ai besoin de me retrouver avec mes personnages.

Je me sers de la musique pour alimenter mon récit, mais quand je suis au travail, c’est silence radio.

 

Le scénario de Dusk est bluffant. As-tu rédigé un synopsis détaillé avant d’entamer la phase d’écriture du roman ?

Non, je n’ai pas écrit de synopsis. J’ai déjà essayé par le passé d’élaborer un plan avant d’entrer en phase d’écriture. Mais je me suis vite rendu compte que je ne le respectais pas. Les personnages et le récit prenaient toujours le dessus.

Je savais ce que j’allais faire de mes personnages. Il ne me restait plus qu’à leur inventer une vie pour les rendre attachants.

 

Travailles-tu sur plusieurs projets simultanément ?

Non. Je n’arrive pas à travailler sur plusieurs écrits à la fois. Avant la phase d’écriture, j’ai toujours 2 ou 3 projets qui se baladent dans ma tête. Et lorsque j’en choisis un, je m’y consacre exclusivement.

J’ai lu que Linwood Barclay était un de tes auteurs favoris. Quels sont les auteurs ou les livres qui t’ont donné envie d’écrire ?

Oui, j’adore la plume et le style page-turner de Linwood Barclay. Il est mon auteur préféré. Parmi les auteurs qui m’ont donné l’envie d’écrire, il y a Stephen King, Harlan Coben, François d’Epenoux, Jean-Claude Mourlevat, Yasmina Khadra, Laurent Gounelle, et également Patrice Dard, le fils de Frédéric Dard, qui a repris l’écriture des San-Antonio. Depuis que nous nous connaissons, Patrice Dard a toujours su me conseiller, me guider à travers l’écriture, me donner ses impressions toujours objectives. Son regard sur mon travail est très important pour moi.

Dusk est ton premier titre publié aux éditions Fleur Sauvage. Est-ce que cela a changé quelque chose dans ta manière de travailler ?

Dans ma manière de travailler, non. Je le fais toujours par passion et comme tous les auteurs, j’ai ma façon à moi de travailler. Je ne me mets jamais aucune pression par rapport à l’écriture. J’écris ce que j’aime avec mes petites habitudes.

Peux-tu nous livrer quelques informations sur ton prochain roman ?

À ma grande joie, mon dernier roman Cadran vient de remporter le prix des lecteurs France loisirs 2016, sous le regard bienveillant de la marraine : Karine Giebel. Il vient de paraître chez France loisirs et devrait sortir en librairies au cours du second trimestre 2017. J’ai également terminé l’écriture d’un nouveau western et m’attèle dès à présent à la rédaction d’un nouveau thriller.

Entretien réalisé par courrier électronique le 2 novembre 2016.


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